La vice-présidente doit désormais choisir son vice-président… Kamala Harris, qui a remplacé au pied levé Joe Biden dans la course pour la Maison-Blanche outre-Atlantique, n’a pas encore dit qui elle envisageait pour l’aider à emporter ce scrutin. Face à Donald Trump qui caracole en tête des sondages – même si cette avance s’est beaucoup effritée depuis le retrait de Joe Biden, le choix de son colistier est essentiel. 20 Minutes vous présente les différentes têtes d’affiche avec l’aide de Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des Etats-Unis de l’IRIS.
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Josh Shapiro pour séduire la Pennsylvanie
Le nom du gouverneur de Pennsylvanie est sur toutes les lèvres. Or, «l’élection va vraiment se faire au niveau des «swing states» [ces États clefs qui peuvent basculer démocrate comme républicain]. Et, alors que la Floride est certainement perdue, la Pennsylvanie est essentielle», décrypte Romuald Sciora. Avec 20 grands électeurs, l’État du nord-est des Etats-Unis est devenu l’épicentre de la bataille électorale.
Avoir un vice-président originaire de Pennsylvanie serait donc un atout considérable pour Kamala Harris. «C’est un bon candidat pour se mettre la Pennsylvanie dans la poche, confirme Romuald Sciora. Mais l’alliance d’une présidente femme noire et d’un homme considéré comme assez libéral et progressiste pourrait faire peur aux républicains modérés qu’elle essaie de convaincre.»
Pete Buttigieg, un sénateur ouvertement gay
Le secrétaire d’Etat aux transports de l’administration Biden pourrait aussi être choisi. Pete Buttigieg, ex-officier des renseignements dans la marine et polyglotte (il parle sept langues, dont le français) a de nombreuses qualités. Ce proche de Kamala Harris pourrait lui plaire mais, étant ouvertement gay, «il risque de faire peur», glisse Romuald Sciora. «Ce serait un bon candidat mais pour une très grande partie des conservateurs et des religieux, ce qui est capital aux Etats-Unis, une femme présidente et un vice-président gay, c’est trop», explique le spécialiste des États-Unis.
Kamala Harris pourrait donc perdre une partie des républicains modérés. Mais, pire encore, «elle s’exposerait à un vote de réaction de nombreux religieux qui ne seraient peut-être pas allés voter mais irait en ayant peur de voir "une vague LGBT+" submerger le pays», explique Romuald Sciora. Même si Pete Buttigieg plairait beaucoup à l’aile gauche du parti démocrate, il reste donc un choix dangereux.
L’astronaute Mark Kelly
Avec son crâne chauve, sa stature imposante et son portrait de la Nasa, Mark Kelly est une personnalité difficile à oublier. Le sénateur démocrate de l’Arizona, ancien astronaute et ancien militaire, pourrait séduire à droite. «Cela peut paraître idiot mais Kelly a un physique viril, vient du sud, d’une région proche du Texas, l’Arizona, et il a une image de héros américain», explique Romuald Sciora, auteur de Faut-il avoir peur du wokisme? Comprendre la philosophie woke. D’après un sondage Ipsos pour ABC News conduit dimanche, s’il n’est pas le plus connu, de tous les potentiels vice-présidents de Kamala Harris, Mark Kelly est celui qui jouit de l’opinion la plus positive (22%).
Toutefois, l’astronaute est «considéré comme plutôt conservateur parmi les démocrates», ce qui pourrait contrarier la frange gauche des démocrates. «Si elle choisit Mark Kelly, il faut qu’elle ait une position beaucoup plus centre gauche», explique Romuald Sciora qui estime que cette stratégie pourrait être payante pour séduire et les républicains modérés grâce à l’image conservatrice de Mark Kelly et l’aile gauche des démocrates si elle modifie son positionnement. Avec cette configuration, «Mark Kelly est le choix stratégique de nombreux observateurs à Washington», conclut Romuald Sciora.
Andy Beshear, le démocrate qui résiste au Kentucky
C’est un gouverneur qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Alors que le Kentucky est un fief républicain, le démocrate Andy Beshear a été élu gouverneur en2019 puis réélu en2023. Il faut dire que son père a lui-même été gouverneur de2007 à2015. Sa popularité pourrait donc permettre à Kamala Harris de convaincre des républicains modérés et peut-être même le Kentucky et ses huit grands électeurs, un Etat qui penche traditionnellement à droite.
Mais pour Romuald Sciora, Andy Beshear a un profil similaire à celui de Mark Kelly sans en avoir toutes les qualités. «Beshear a un côté un peu élite alors que Kelly a un côté plus populaire. Il pourrait aussi rassurer certains conservateurs mais il n’a pas la gouaille, l’image de héros et de monsieur tout le monde de Mark Kelly», explique l’expert des Etats-Unis. Il est donc peu probable que Kamala Harris le choisisse.
Gretchen Whitmer, la seule femme
La gouverneure du Michigan est la seule femme dont le nom a été évoqué pour le «ticket» démocrate. Elle a toutefois annoncé mardi qu’elle renonçait à se présenter comme colistière, tout comme Roy Cooper, le gouverneur de la Caroline du Sud. Si Gretchen Whitmer a évoqué sa volonté de rester gouverneure jusqu’à la fin de son mandat en2026, «un ticket de deux femmes, c’est impossible aux États-Unis», réagit Romuald Sciora. «Malheureusem*nt, il faut un candidat qui contrebalance l’image de Kamala Harris, qui est une femme noire», souligne l’expert des États-Unis.
Qui qu’elle choisisse, la candidate démocrate devra supporter une campagne d’une grande violence, dans un pays profondément polarisé. Pour convaincre face à Donald Trump, plus populaire encore depuis qu’il a survécu à un attentat, «Kamala Harris doit faire le grand écart», explique Romuald Sciora qui illustre: «C’est comme si François Bayrou devait convaincre du centre droit jusqu’aux Insoumis.» Une tâche herculéenne…